LE JOURNAL DE DENZIL IBBETSON (suite) Entrons à présent dans le vif du sujet en suivant le récit d'Ibbetson. Des notes de ma part sont disposées en bas de chaque page de ce site, pour offrir quelques explications et compléments par rapport au texte lui-même. ![]() Extrait du journal LE JOURNAL
3 août 1815 Le Northumberland a pris la voile de St. Helen's. [1] ![]() Le Northumberland et le Bellerophon se rencontrent à "Start Point" entre Plymouth et Torbay 7 août Le Northumberland ancré à Torbay, à 10H du matin. Les bagages de Napoléon sont venus à bord avec le général Las Cases et son fils [2], et peu de temps après [sont venus] trois enfants du maréchal Bertrand [3] et un du général Montholon [4]. À 12H environ, sont arrivés Napoléon, le maréchal Bertrand et son épouse, le général Gourgaud, les généraux Savary et Lallemand [5], Lord Keith [6], et le capitaine Maitland [7]. ![]() Transfert de Napoléon sur le Northumberland Les marins ont présenté les armes dès qu'il (Napoléon) apparut sur le pont [8]. Il salua tout le monde autour de lui et dit à un des officiers d'Artillerie qui se trouvait à ses côtés: "À quel régiment appartenez-vous?" Il répondit: "L'Artillerie de Sainte-Hélène [9]." Napoléon répondit: "Je viens moi-même de ce corps." Il était très intéressé à demander le nom de chaque officier qu'il voyait et, après être resté cinq minutes sur le pont, il s'est retiré dans sa cabine. Il était très inquisiteur avec Sir George Cockburn [10] au sujet de M. Whitbread [11] et Charles Fox [12], et demandait si le premier ne s'était pas tranché la gorge avec un rasoir [13]. Après dîner, il se promena de nouveau sur le pont et souhaita que l'orchestre lui jouât "God Save The King" et "Rule Britannia". Il est très corpulent, d'une taille de l'ordre de 5 pieds 6 pouces [14], un cou court, des yeux gris et pleins, des cheveux bruns et courts, le teint jaune, les épaules larges, et a parfois le visage féroce. Il porte un uniforme vert, aux armes de l'Infanterie Légère de la Garde Impériale, avec deux épaulettes en or, le col et les parements en rouge, une étoile de la Grande Légion d'Honneur, et trois décorations suspendues à la boutonnière, un chapeau ordinaire à cornes avec la cocarde tricolore, une culotte de nankin et des bas de soie, des chaussures avec des boucles en or. Généralement il fait ses promenades la main droite dans la poche de sa culotte et la gauche dans celle de sa veste. Il prend une grande quantité de tabac à priser. Il joue beaucoup aux échecs avec un des généraux. Lorsqu'il joue mal, ils jouent pire et le laissent prendre l'avantage tout en faisant observer: "Quel excellent Général vous êtes, et quel coup de maître vous avez fait." Napoléon a parlé d'envahir l'Angleterre avec 200.000 soldats d'infanterie et 6.000 cavaliers, mais il n'était pas sûr de la disposition de la population anglaise, à savoir s'ils seraient pour ou contre lui, comme il avait été porter à croire qu'un grand nombre se rallierait à lui [15]. ![]() Extrait du journal Pour lire la suite, cliquez ici NOTES
[1]
Il s'agit d'un jeu de mots de la part de l'auteur; St. Helen's est un
petit port sur la côte Est de l'île de Wight; tous les navires qui
quittaient Portsmouth, comme le Northumberland
ce
jour-là, suivaient la route maritime qui passe de
ce côté-là de cette île. Le Northumberland
se rendait au point de rencontre en mer avec le Bellerophon, un peu
à
distance au sud de Torbay, pour
embarquer Napoléon et ceux qui devaient le suivre en captivité.[2] Le comte Las Cases n'a pas le rang de Général; peut-être était-il vêtu d'un uniforme emprunté en se rendant à bord, ce qui aurait induit Ibbetson en erreur quant à son rang; son fils, Emmanuel Pons, alors âgé d'une dizaine d'années, suivra Napoléon en exil et participera plus tard, en 1840, à l'expédition des Cendres. [3] Les enfants du grand-maréchal Bertrand était Napoléon, Hortense et Henri. Un quatrième enfant naîtra à Ste-Hélène: leur fils Arthur. Ce dernier participera, avec son père, à l'expédition des Cendres en 1840. [4] Il s'agissait de leur fils Tristan, né avant le mariage du couple; ils laissèrent en France un autre fils, alors âgé d'à peine un an, par crainte des inconvénients d'un long voyage en Amérique, qui avait été la destination prévue en quittant la Malmaison. [5] Ils ne seront pas admis à suivre Napoléon en exil car ils étaient réclamés en France par la justice royale; ils seront emprisonnés à l'île de Malte jusqu'à ce qu'on les invite à s'échapper... [6] Il était l'amiral en charge des opérations navales sur les côtes atlantique et nord de la France. [7] Il commandait le Bellerophon, un navire de la flotte de Lord Keith, à bord duquel Napoléon embarqua le matin du 15 juillet 1815 au large de l'île d'Aix. [8] Toute la matinée, Napoléon, encore à bord du Bellerophon, protestait contre sa déportation et déclarait qu'il ne se rendrait à Ste-Hélène que sous la contrainte. Ce n'est que par la visite de Lord Keith que le problème fut résolu: Napoléon déclara à l'amiral qu'il n'obtempèrerait que sur ordre formel, ce qui constituait un "acte de force", et non par sa propre volonté. L'amiral Keith dit donc à Napoléon: "Je vous l'ordonne" et l'Empereur se rendit alors sur le Northumberland. ![]() Lord Keith [9] Le médecin de ce corps était James Roch Verling; il sera affecté au service de Longwood en juillet 1818, en remplacement du docteur O'Meara, jusqu'en septembre 1819, à l'arrivée d'Antommarchi. [10] L'amiral en charge de la flotte qui emmena Napoléon et son entourage à Ste-Hélène. [11] Samuel Whitbread était un politicien anglais du parti libéral qui admirait Napoléon pour la façon dont il avait réformé la France. Après le retour du parti conservateur et les revers de Napoléon sur le continent, il commença à déprimer. [12] Charles James Fox était le chef du parti libéral, favorable à la Révolution Française et à la paix avec le Consulat de Bonaparte. Il mourut en 1806, à l'âge de 57 ans, et fut un temps remplacé par Whitbread à la tête du parti. [13] Napoléon avait dû lire dans les journaux que Whitbread s'était suicidé de cette façon le 6 juillet 1815. [14] Napoléon était donc d'une taille d'environ 1 mètre 68, ce qui n'était pas particulièrement "petit" à cette époque. [15] Napoléon aura souvent cette discussion avec ses interlocuteurs anglais, ce qui semble étrange car cela les poussait à croire qu'il pouvait encore leur être dangereux... s'il venait à être libéré ! |
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