LE MASQUE MORTUAIRE DIT "MALMAISON" (suite et fin) C'est donc au musée du Château de Malmaison que ce masque historiquement important repose toujours. ![]() Masque
Malmaison, vue de face
A la vue de cette pièce, on peut très nettement constater qu'il a été composé de divers opérations de plâtre, ce qui ne semble pas étonnant car on sait qu'Antommarchi avait dû prendre la partie faciale, seule pièce authentique de Longwood, et qu'il a forcément dû y ajouter du plâtre pour composer un crâne et masque complet. Des retouches de plâtre sont visibles par endroits, ce qui s'expliquerait par le fait qu'Antommarchi ait cherché à corriger les imperfections probables du masque Burton qui, rappelons-le, avait été fabriqué à partir d'un négatif qu'on avait dû détruire à cause de la mauvaise qualité du plâtre: ceci explique qu'aucune autre tentative n'ait été faite à Longwood en mai 1821, de peur de perdre la pièce entière. Cette circonstance, et le manque de plâtre disponible dans l'île à cette époque, détruit l'hypothèse de plusieurs masques "héléniens" chère au baron de Veauce. Le plâtre est assez "artisanal' car on y remarque des bulles d'air (nombreuses sur le côté gauche du visage): ceci était certainement dû à la mauvaise qualité du plâtre fabriqué par Burton mais qui néanmoins avait réussi à saisir l'aspect du visage de Napoléon (près de deux jours après son décès). De plus, Michel Dancoisne-Martineau, Conservateur des domaines français à l'île de Sainte-Hélène, confirme que le plâtre de la face de ce masque est de "même texture, même composition chimique, même couleur..." que celui que l'on peut encore fabriquer à partir de minerai trouvé à l'endroit où Burton avait pu récupérer du gypse en 1821, dans la vallée de Prosperous Bay et sur un îlot voisin de l'île (comme l'avait affirmé Burton en septembre 1821 devant le juge de Bow Street, une version qu'Antommarchi s'était empressé de reproduire dans son livre de 1825). On a aussi signalé que le plâtre est très épais (au minimum de 2 cm), ce qui montre qu'il s'agit bien d'un plâtre d'atelier qui devait servir de moule par la suite. A l'intérieur du masque, on distingue nettement un autre type de plâtre, plus lisse (donc pas "artisanal" a priori, et de meilleure qualité). Ce plâtre semble avoir été ajouté par Antommarchi en août 1821 pour servir de doublure en vue de renforcer le masque mortuaire par l'intérieur, ce qui montre qu'Antommarchi avait utilisé du plâtre de Paris, acheté sur place à Londres, de meilleure qualité que celui fabriqué à la main par Burton à Sainte-Hélène. ![]() Masque
Malmaison, vue de quart
(source: Château de Malmaison et de Bois-Préau, cliché Daniel Arnaudet) De ce masque, il est très visible que la partie crânienne avait été reconstituée, et non prise sur le défunt, car elle présente un aspect bombé, peu naturel, et certaines parties sont incomplètes, comme les oreilles par exemple. En regardant le masque de profil et d'en bas, on constate que la partie au-dessus des arcades sourcilières est là encore peu naturelle. ![]() Masque
Malmaison, profil et vue de dessous
(clichés d'Hautpoul) D'un autre côté, ce masque est un des rares où l'on peut percevoir les cils et les dents, à l'inverse de toutes les autres modèles, aussi bien ceux en plâtre (comme un autre masque dit "Antommarchi" en possession du musée de Malmaison) que bien entendu ceux en bronze, où ces détails ont été perdus à force de recopies. Voire des retouches avaient été faites aux masques recopiés, en y réparant le nez mais en perdant les sourcils. ![]() Masque
Malmaison, cils côté droit
(source: Bourguignon, 1936) Concernant la bouche de Napoléon, on sait qu'elle était restée entrouverte au moment de sa mort et qu'Antommarchi avait été obligé de mettre une mentonnière pour la maintenir close à certains moments. Lors de la prise du masque, le soir du 7 mai, cette mentonnière avait évidemment été retirée et les manipulations sur la tête du défunt avait dû provoquer une légère ouverture de la bouche que l'on constate sur les masques: le masque Malmaison a la caractéristique de montrer les dents de devant. ![]() Comparaison des deux masques les plus anciens
En comparant les clichés des masques Malmaison et Bertrand-Victor, on peut aussi remarquer que le nez du second est réparé par rapport au premier, que les cils du premier semblent plus nombreux que dans le second, que la finition semble mieux réalisée que dans le second (les porosités ont disparu, la surface du plâtre semble plus lissée, les trous de plâtre ont été remplis, etc.). Ces diverses constatations font qu'il y a tout lieu de croire que le masque dit "Malmaison" est bien le plus ancien des masques "Antommarchi", celui à partir duquel les masques Bertrand-Victor et tous les autres ont été composés. Celui à partir duquel on avait fabriqué un autre masque, mieux fini, avec socle, qui avait permit à réaliser les copies de 1833, puis celles de Susse par la suite. Un certain nombre de "faux" masques de type Antommarchi (comme le masque Burghersh, les masques Sankey-Boys, le masque Arnott, et tous les autres de ce type) ont été des copies illégales du masque de la souscription 1833, ou de la suivante. Si on exclut la partie crânienne du masque Malmaison, la partie au-dessus des sourcils, et le contour inférieur au-delà du menton, ainsi que une partie des tempes et les oreilles, nous sommes a priori bien en présence de la face de Napoléon, de son nez, de sa bouche, de ses orbites occulaires et de ses fossettes. C'est la physionomie qu'il avait eue près de 48 heures après sa mort, qui rappelait aux témoins qui l'avaient connu, sa physionomie émaciée de Premier Consul. Ce masque avait été exposé au Musée de Malmaison pendant trente ans, entre 1921 et 1951, comme étant le "masque mortuaire original de Napoléon Ier". Malheureusement il en a été retiré depuis car, en 1951, un certan baron de Veauce avait fait l'acquisition d'un masque dit "Burghersh" lors de ventes aux enchères en Angleterre. Il s'ensuivit une polémique sur le véritable masque originel de Napoléon et le baron de Veauce appuya ses théories à coup d'articles et d'ouvrages qui ont fait autorité (voir sur ce site un article sur le masque Burghersh). Ceci eut pour conséquence de retirer le masque "Malmaison" de la vue du public. Nous ne pouvons que déplorer cette situation et espérer que quelqu'un y rémédiera un jour. Je souhaite remercier les membres du forum du site Napoléon Ier qui ont largement contribué à l'enquête au sujet de ce masque, même au travers de débats quelquefois houleux, notamment les dénommés "ClaudeM", "Infernet" et "d'Hautpoul", et ce dernier pour les clichés et éléments qu'il nous a transmis. Albert Benhamou Novembre-Décembre 2011 Sources par chronologie de publication: François Antommarchi, Les derniers momens de l'Empereur Napoléon, 1825 ; ouvrage en ligne en 2 tomes, tome 1, tome 2 Aristide Rojas, Notice sur les objets historiques que possède Caracas, 1873 ; pour cet ouvrage en ligne, cliquez ici Pascal Antomarchi, Le masque mortuaire de Napoléon, Les Légendes, la Vérité, 1938 Eugène de Veauce, L'affaire du masque de Napoléon, 1957 Eugène de Veauce, Les masques mortuaires de Napoléon, 1971 Louise Linden, Histoire des masques de Napoléon, Revue du Souvenir Napoléonien No.346, 1986; pour lire cet article en ligne, cliquez ici Dr. François Paoli, Le Dr. Antommarchi ou le Secret du Masque de Napoléon, 1996 Bruno Roy-Henry, Napoléon, l'énigme de l'exhumé de Sainte-Hélène, 2000, puis édition augmentée de 2003 Gérard Azémar, Napoléon. Révélations sur son vrai masque mortuaire. Les causes de sa mort. Son dernier docteur, 2002 Chantal Lheureux-Prévot, L'affaire des masques mortuaires de Napoléon, Revue Napoleonica, Fondation Napoléon, 2008; pour lire cet article en ligne, cliquez ici Albert Benhamou, L'autre Sainte-Hélène, 2010 Michel Dancoisne-Martineau, Les masques mortuaires de l'Empereur, Revue du Souvenir Napoléonien No.487, 2011 |
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